Honoré de Balzac, traitant du sentiment, disait que ‘‘ Rien dans les langages humains, aucune traduction de la pensée faite à l’aide des couleurs, des marbres, des mots, ou des sons, ne saurait rendre le nerf, la vérité, le fini, la soudaineté du sentiment dans l’âme’’. C’est ainsi que je me sens, vendredi 8 Juin, lors de la clôture de l’épopée Lkhbar fel Msrah de DABATEATR. J’avais le projet de relater cette fin, mais il me semble que rien de ce que je pourrais dire ne saurait rendre justice aux états d’âme que cette aventure aura suscité en moi, tout au long de la petite expérience que j’en ai eue. Des états beaux dans leur pluralité, leur particularité. Les bonnes expériences sont celles qui vous inspirent de la joie, à chaque fois, mais meilleures sont celles qui, telles nos vies, sont à chaque instance nouvelles, celles qui vous courroucent, vous enchantent, vous instruisent, vous donnent à réfléchir, vous avivent, qui agitent le feu de la vie en vous, ce feu que la banalité des journées routinières s’escrime chaque seconde à éteindre. Auraient-elles été toujours enchanteresses, elles auraient induit l’ennui, par je ne sais quelle pente de l’esprit humain, et elles n’auraient pas fait long feu. Du feu, la troupe en distribuera, comme le fit Prométhée, titan fondateur de la première civilisation humaine, un feu qu’il déroba à l’olympe et distribua aux hommes, car celui-ci a cela de particulier qu’il se partage sans diminuer. Les bougies qu’ils distribueront au public, flambeaux porteurs d’espoir et d’amour, donneront la pérennité à l’esprit qu’ils auront installé, semblant dire ‘‘ le feu est en vous, prenez en soin’’ . Le feu se propagera pour gagner toute la salle, partagé de proche en proche, une bougie allumant l’autre, dans l’euphorie générale.
Loin d’un théâtre classique ou l’on recevrait passivement le spectacle, et duquel on ressortirait bredouille, souvent confus, DABATEATR, sous l’égide de Jaouad et la guidance de Driss Ksikes, a instauré le débat comme composante intrinsèque du théâtre, en une œuvre éponyme, qui se fait ‘‘DABA ’’, hic et nunc, pour le plus grand plaisir et du spectateur et de l’acteur, souvent confondus lors des prestations. LKHBAR, ce fut donc une vie dans la vie, une société miniature, un agora ou on aura exploré des avis similaires aux nôtres qui nous auront contentés, d’autres contraires qui nous auront poussés à questionner nos convictions et les mettre à l’épreuve de l’autre, à la diversité de ses provenances et de ses horizons, d’autres qui auront suscité l’ire extrême au regard de l’excentricité des gestes, des opinions, et des personnes, une ire qui se dissoudra au fil des spectacles, car, découvrant l’autre, on commence à l’ accepter, à le chérir. Au-delà d’un simple spectacle, LKHBAR fut donc un exercice sur soi, un exercice de réflexion, de tolérance, d’ouverture à l’autre, et de respect de la diversité, cette diversité que l’on souhaiterait tant conserver, fructifier, pour qu’elle résiste à la grandissante similitude cognitive du monde. Il ne faut plus seulement tolérer la différence, il faut la préserver et la cultiver.
Exit donc LKhbar Flmasrah, mais la troupe DABATEATR continuera à enchanter son public à travers ses autres créations, que nous avions recensées ici , et de nouvelles qui remplaceront LKhbar fel Masrah . Souhaitons-leur bon vent et que leur grand maître comme ils disent, le chemin, soit rempli de succès et de nouveauté : ce serait pour notre plus grand bien.
Voici un apercu vidéo de la clôture, assorti de quelques témoignages :