Mieux vaut »9lil w mdawem », le peu durable, que « ktir w m9tou3 », l’abondance sporadique, comme le veut le proverbe marocain. Ainsi s’intitule la nouvelle aventure de DABATEATR, qui vient d’exhaler son premier souffle Vendredi dernier.
Des moyens limités, des désirs illimités…?
Qu’est ce qui est 9lil, qu’est ce qui est mdawem ? Nous ne le savons pas. Nous savons que leurs moyens sont faibles, que leur création est durable..Peut être est-ce cela, comme le disait Jaouad, le père fondateur : Des moyens limités, des désirs illimités…? Peut être aussi que le peu, ce sont ces mercredis, petits filaments de création commune, dont le tissu crée la toile finale rendue le dernier Vendredi du mois. Le peu, c’est peut être ces graines que l’on y sème : le dialogue, l’échange, l’action, la création comme nouveaux amendements, comme appendices à la charte citoyenne. La cité, indolente, passive et simple réceptrice, s’éveille de sa torpeur pour s’impliquer, agir et créer. Au lieu de subir le spectacle, le public en devient partie intègre. Le quidam, par une soirée de Mercredi, peut se retrouver sur scène à improviser un rôle dans une pièce théâtrale, à chanter ses élégies, à danser sa joie, à clamer sa poésie…c’est pluridisciplinaire, ça l’a toujours été. Le »mdawem » c’est, aventurons-le, l’esprit de longévité que ce projet inspire. Il s’inscrit, ab ovo, dans la durée : on amorce quelque chose, on insuffle un esprit qui sera perpétué par delà le temps, l’espace, et les personnes.
Une expérience pluridisciplinaire
Expliquons le principe d’abord : Mercredi, 19h, 30DH*. On est au café du Cinéma Renaissance, désormais haut lieu de la culture Rbatie. Vous êtes assis à votre table, vous sirotez votre café. Les « T’rraza » (tisserands) vous distribuent des calepins et des stylos. Vous notez un sujet, un thème, une idée, n’importe laquelle, du risible au métaphysique . Vous déchirez la feuille, la pliez -transparence oblige-, et la remettez au T’rraz. Un tirage au sort est effectué, et la troupe, assortie de quelques membres du public, doit improviser une représentation du sujet choisi, dans une forme que choisira le public même : théâtre, chant, danse, poésie, prose…Il va sans dire qu’il ne se saurait maîtriser tout ceci en même temps, à fleur de peau, prêt à l’éxecution à la demande. C’est pourquoi il y’a souvent tendance à chercher le terrain familier, où le théâtre, trame de fond, est agrémenté par les autres genres artistiques. L’atelier de tissage et les T’rraza sont régentés par un M3allem (Maître) qui, acteur lui même, orchestre aussi le jeu des comédiens. Il n’en est cependant pas le maître suprême puisque les injonctions du Sawt (fouet), sous forme de Sawt (Son), tonnent à maintes reprises pour régir et ordonner, rajoutant un degré à l’homonymie existante. Cette nomenclature des personnages, ce jargon spécial et évolutif rajoute une dimension ludique à 9lil w mdawem, un jeu dans le jeu.
De la création au continu
Le temps que se tisse l’improvisation à faire, la scène est libre pour toute personne désireuse de partager : poésie, chant, slam,…peu importe la forme de création. C’est l’artiste à l’épreuve de la cité et la cité à l’épreuve de l’art. La communion, la symbiose est ainsi créée : la main de l’artiste se tend vers le spectateur, le ranime et lui insuffle vie et action. La scène est une page blanche dans laquelle on écrit tous, dont l’assortiment rendra un livre bien garni et bien gribouillé : En fin de saison, sous forme d’une représentation théâtrale, se compilera toute l’activité de l’année en une seule oeuvre présentée au grand mal public. Dans cet esprit de vieux dictons marocains, disons donc que « b9atra b’9atra y7mel lwad »( goutte par goutte la crue – du fleuve – se fera). Au delà de la simple pièce de théâtre finale, il faut peut être aussi y voir l’esprit de dialogue et de création dont on imprègne la cité, Mercredi par Mercredi, Vendredi par Vendredi, personne par personne, public par public, saison par saison… DABATEATR, précurseur, est aussi la première goutte que d’autres suivront, avec un peu de chance. Rabat et Casa, en toutes choses pionnières, sont d’autres gouttes, plus grandes… Abstraite, la goutte est fractale, jusqu’à l’infini…
* 30 dhs : Tarif Public
Tarif Etudiants/Membres : 15 dhs