De l’éducation au Maroc


Chers marocains, soyez riches, ou mourrez, déguerpissez, débrouillez-vous. En marocain, changez d’heure. N’ayez surtout pas d’enfants. Quand votre couple sentira les affres de l’ennui, voyagez, prenez une pause, mais, prière, ne vous reproduisez pas. Au pire, attendez que le Ramadan s’éloigne plus vers l’automne. On en a déjà assez, de chenapans à éduquer et pour qui trouver des emplois… il est indispensable qu’on fasse un moratoire sur les naissances pendant quelques dix ans, le temps de caser tous. On est plus de 30 millions, déclarés, déjà, bon Dieu…

Vous êtes riches, vous éduquerez votre enfant. Si Londres est trop loin à votre goût, vous n’aurez même pas besoin qu’il soit un crack, ou qu’il fasse ses devoirs et résilie son abonnement à l’école buissonnière. Ici, jetez assez d’argent ou de téléphones sur quoi que ce soit, il s’éteindra, se dénouera, tout-ce-que-vous –voudrez-ra… Pour la forme, inscrivez-le/la dans une école privée, n’importe laquelle, il faut juste que ça sonne étranger…Elle aussi, tôt ou tard, jettera son lot d’argent pour accréditer et faire tout le nécessaire. Très prochainement, il y’aura le privé, et des bâtiments publics, qu’on vendra plus tard à des promoteurs pour ériger des cafés, des logements super-économiques, ou d’autres écoles privées. A priori le gouvernement est en phase de sous-traiter le gouvernement. Bon débarras. Le temps venu, le concours annoncé, vous chercherez qui vous connaissez dans telle ou telle administration, et au pire votre progéniture atterrira saine et sauve dans le poste que vous lui choisirez. Pour la forme aussi, il se réveillera tôt un dimanche pour aller passer un concours, histoire d’avoir des témoins…  Un coup de téléphone vaut le meilleur des parachutes. Il/elle touchera le saint graal marocain : se faire payer, sûrement, par le contribuable, sans rien faire de la journée.

 

Vous êtes pauvres, ou pauvre qui se croit classe moyenne, vous vous endetterez. Aux charges de Ramadan, de l’Aïd et d’août, s’ajouteront les frais rocambolesques de la rentrée scolaire. Des frais de scolarité de plus en plus élevés, des programmes toujours nouveaux et plus chers, le business maqué entre écoles et libraires, balance offre et demande oblige, videront votre poche. Alors que l’information est devenue gratuite par les TIC, l’information imprimée écrase des records de prix. C’est très cher, la sauce pédagogue et la taxe sur l’import. On abat les arbres et on vous en fait payer le prix. Si le privé est hors d’atteinte, et que vous voulez quand même éduquer l’énergumène, alors priez Dieu, et utilisez la pilule. Priez que votre enfant trouve sa place dans la salle surchargée, que la conscience du professeur ait survécu aux aléas de sa condition précaire, que la boîte de pétri ne ponde pas un autre plan d’urgence et ne vienne pas chambouler le tout et vous obliger à acheter d’autres livres, pour les générations d’après…

Et puis, pourquoi l’éduquer ? Pour un job ? Vous me faites rire. N’ayez pas peur, dites-le : c’est parce que c’est ce que font les gens, vous n’avez peut-être jamais pensé qu’il pouvait en être autrement. Ce n’est pas grave. Je vous comprends. Votre dévouement au bonheur de votre enfant est sans limites. Vous le supporterez tant qu’il y ‘aura de la vie entre vos os. Vous acceptez de l’aider toujours, dans ses trentaines, job ou pas. Vous n’avez pas les moyens de lui dédier un commerce, un café, une ‘‘grima’’, alors il s’attellera au ‘‘Rat race’’ comme le troupeau. Après tout, il faut un papier, une référence qui dit que votre énergumène est entré un jour par la porte d’un établissement et qu’il en est sorti quelques années plus tard, qu’il a purgé sa peine. La France ne nous a jamais vraiment quittés, et oui, je décèle l’ironie, avant vous. Le français, c’est mon butin de guerre aussi, comme disait un certain Kateb. La vie du chenapan, son statut, sa classe sociale, seront pour la plupart dictés par le V0 que vous lui donnerez
Si vous avez de la chance, le Hash et Messi laisseront à votre enfant assez de jugeote pour s’instruire, para-scolairement. Pas trop quand même : c’est très pénible de comprendre, quand on ne peut rien faire, qu’on est de chair et d’os et que la matraque n’est jamais loin, qu’elle est atteinte d’un daltonisme aigu.

Au fond, vous n’y croyez pas, vous-même. L’éducation n’est plus l’ascenseur social qu’elle fût, un instant, peut-être ne le fut-elle jamais. Aujourd’hui, le médecin, l’architecte,  l’ingénieur… la soi-disant élite de par ses années au bagne, chôme à la pelle. Après de dures années de labeur, la plupart joint à peine ses bouts des mois, quand elle trouve un job. Voyez-vous, c’est la crise, apparemment. Les 1% ont 99% de la richesse, et en amasse encore, mais c’est la crise. Les primes et voitures de service s’achètent et se louent par milliers, mais c’est la crise. Les exonérations de taxes sont perpétuées pour les rentiers, mais c’est la crise. Les indues  indemnités d’ ‘‘élus’’ et grands administrateurs analphabètes sont pérennisées et enrichies, mais c’est la crise. Nous avons 39 ministres,  la Chine une vingtaine, mais c’est la crise. C’est le contribuable qui sponsorise cette crise, c’est pourquoi elle est aussi pérenne.

Il y’a loin entre étudier pour un job et étudier par soif de savoir. Tout ce qui ne se suffit pas est condamné par les aléas des fins qui le justifient. Nous ne nous instruirons pas, à proprement dire, avant que l’étude ne soit absoute de la souillure de l’argent et du marché du travail, que la précarité sociale ne l’astreigne plus au besoin de salut des masses. Tant que le chercheur survivra de bourses dérisoires, et que le budget alloué par l’état à l’éducation et la recherche ne dépasseront pas les hauteurs de l’aumône de convenance, point de quartier pour une éducation idoine.

 

 

 

 

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