Au fil des idées…


Ceci est l’une de ces envolées scripturales où l’on pense en écrivant. Ne vous attendez pas à de l’ordre, il y’a longtemps qu’il n’y en a plus dans ma tête. Y’en a-t-il jamais eu ? Peut-être, un brin, du temps de la naïveté et des certitudes… C’est prétentieux, direz-vous, que de ne se croire plus naïf, à trente ans, encore plus sauf de certitudes…Admettons, en attendant que tombe le prochain jalon, que se dissipe la prochaine illusion. Ceci n’est rien d’autre que du vagabondage, des bribes de pensée que j’ai tenté d’agencer de façon un tant soit peu présentable. Elles étaient là, elles demandaient à sortir, les voilà.
Pascal : ‘‘Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre’’ : il faudrait donc rester en repos, à ne rien faire. NE RIEN FAIRE ! Dilapider son existence, sa jeunesse, à NE RIEN FAIRE. Mais qu’est-ce que c’est, déjà, une vie non dilapidée ? Qu’est-ce que ce FAIRE qui est si important ? Existe-t-il un modèle d’existence, a portée de tous, qui nous ferait trouver la mort heureux et sans regrets ? Car, enfin, il s’agit de mourir, comme disait Camus. Toute la rhétorique sur l’existence se heurte inévitablement à cette question fatale : la mort. L’homme moderne, si peu spirituel et tellement frustré par son éternel inaccomplissement, peut-il toujours aspirer au contentement, quand il exhalera son dernier souffle ? La satisfaction est-elle encore du ressort de l’homme hyper connecté et hyper consommateur, convaincu de son potentiel inouï et inné, conscient car constamment rappelé de l’infini de ses possibilités, rêvant d’une vie d’hédonisme éternel, faite de voyages exotiques et de soirées arrosées à n’en plus pouvoir ? Peut-il renoncer de bon cœur à tout ce faste, à tout ce qui aurait pu être, magnifié par le filtre ‘‘insta-face-snap-twitterien’’, et j’en passe ?
Et puis pourquoi tout ce sérieux, déjà ? Que vaut la vie, UNE vie, dans le grand schéma de l’univers, de l’existence de tout ce qui est, depuis l’aube des temps ? Rien, moins que rien. Cela peut alléger, parfois, de relativiser, de prendre de l’altitude et se regarder d’en haut, en somme changer de perspective.
Mais il faut vivre, aussi, se lever chaque jour et endurer le quotidien, toutes les vicissitudes de sa vie, quoique leur banalité et leur petitesse. Il faut gagner sa vie, être là à 8h, repasser ses vêtements… Le cogito peut encore très peu contre l’animal, il galère toujours à écourter l’avance inexorable que ce dernier acquiert, ab ovo. ‘‘Nous prenons l’habitude de vivre avant celle de penser’’, que disait Camus. On ne peut que très peu végéter, et l’animal ne se repaît ni de pensée ni de résolutions. Chassez le naturel, le biologique, il revient par la grande porte. On reste, inexorablement, l’égocentre de nos mondes respectifs. Heureux serait celui qui saurait automatiser ce va-et-vient, qui dompterait l’animal pour que cela relève du réflexe. S’élever, se sublimer, à chaque fois que la vie vous pèse trop, et oublier, passer à autre chose.

La vie ne peut plus rien offrir à l’homme angoissé. Peut-être vient-il un moment ou, las, on se résigne, on déplace son existence. On s’oublie. Ah, l’oubli, cette bénédiction qu’on accuse de malheur. Brel ne chantait il pas qu’‘‘il faut oublier, tout peut s’oublier, qui s’enfuit déjà… ’’. On se marie, on procrée. On sous-traite sa vie aux enfants, à la famille, aux autres, et l’on se réveille, vingt, trente ans après : les enfants sont partis, les amis sont loin, et l’on est livré à son sort. Il faut remeubler son existence et se rappeler de soi-même, après l’oubli. Mais pourquoi se rappeler, déjà ? Une vie passée au service des autres n’est-elle pas le saint graal pour tous les humanistes, penseurs, et spirituels de tous azimuts ? L’égo soumis, inexistant, n’est-il pas le paroxysme de l’éveil spirituel ?

Et puis on vous dit qu’il faut ‘‘Carpe diem : cueillir le jour’’, vivre pleinement chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque jour. Cela paraît exténuant, déjà, et puis impossible. Peut-être que c’est juste un placebo, une jouissance virtuelle. On se convainc qu’on est heureux et tadaa !! On l’est. Marc Aurèle, l’empereur romain, disait que ‘‘la vie […] n’est rien d’autre que ce que vous concevez’’. Le secret de cette cueillette, c’est peut être un changement de perspective au continu, à défaut d’un changement effectif de condition. Se voiler la face, être dans le déni permanent, en d’autres termes. Et si l’on y appliquait cette même règle de perception sélective : le déni, la face voilée sont-ils intrinsèquement péjoratifs, non sujets à débat ? Du moment qu’on est heureux, qu’importe le flacon… ? Et alors vient la question fatidique : Que choisir : la vérité qui immole ou le mensonge qui embaume ? Dans une scène culte du film chef d’œuvre La grande bellezza de Paolo Sorrentino, Jep (Toni Servilio), après une tirade de vantardise convaincue de Stefania (Galatea Ranzi), descend celle-ci de son olympe éthérée en lui expliquant tout le piètre et le mesquin de la vie qu’elle leur vante. Humiliation et larmes s’ensuivent. Vivant un déni heureux, elle voit enfin la réalité en face. Elle déchoit. Cela en valait-il la peine ? Etre, rendre malheureux mais dans le vrai, le juste ? Et quel variété du vrai, quelle référence choisir et défendre ? La nôtre qu’on impose aux autres ? Celle de la foule ? Celle de Dieu, malgré la chafouinerie des cheikhs et tout l’insaisissable du langage ? Rousseau disait que ‘‘La critique elle-même, dont on fait tant de bruit, n’est qu’un art de conjecture, l’art de choisir entre plusieurs mensonges celui qui ressemble le mieux à la vérité.

C’est encore et toujours une question de PERSPECTIVE…

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